Les nouvelles du bord, jour 8
C'est fou à quel point les conditions peuvent changer en 24 heures en mer. Hier, je filais sous spi en me demandant pourquoi j'avais remis le grand avec des rafales à 30 noeuds qui menaçaient de rendre le bateau hors de contrôle alors qu'aujourd'hui c'est un peu trop calme. Le stress qui accompagné la journée d'hier m'a tout de même permis de passer les îles du Cap Vert sans encombre et d'éviter leur décent.
En ce moment, j'avance à 9 /11 noeuds dans un vent de force similaire et sous un soleil de plomb. La température de l'air (mesurée en haut du mât) est de 28,6°C et l'eau est à 27°. Comme il n'y a pas trop de vent je n'ai pas de vagues qui mouillent le pont et je peux donc me permettre d'ouvrir la trape avant pour faire circuler l'air dans le bateau... c'est la seule chose qui l'empêche de se transformer en cocotte minute!
Sinon la nuit dernière était incroyable. Je ne sais pas si vous avez vu la lune mais ici la vue est incroyable. Avec cette "super lune", c'est la pleine lune la plus proche de la terre depuis 1948 et hier avec un ciel sans nuage le spectacle était magnifique avec la crête des vagues argentées qui brillaient de mille feux. Par contre ce bel éclairage de la lune a fait de moi une cible facile pour les poissons volants et quand je me suis réveillé ce matin on se serait cru sur le marché du poisson à Tokyo. Ces kamikazes volants ne plaisantent pas et j'en ai déjà reçu un en pleine poitrine qui m'avait laissé un bleu pour plus d'une semaine (pire que le rugby ;-). Regardez la photo du plus gros que j'ai ramassé et imaginez vous l'effet que ça fait quand il passe à 10 cm de votre visage à pleine vitesse !
Pour les autres créatures que je croise sont d'un autre style: les cargos. Les anciens marins dessinaient des dragons et monstres aquatiques sur les cartes quand ils ne savaient pas ce qu'il y avait mais jamais ils n'auraient pensé qu'un jour le danger viendrait de ces tonnes de métal qui vous déboulent dessus à 20 noeuds au milieu de l'océan. Heureusement, nous avons un radar à bord, l'AIS (Automatic Identification System) qui permet aux bateaux de se repérer les uns les autres et de déclencher une alarme s'il y a un risque d'impact avec des bateaux sur des routes convergentes. Malgré la taille des océans, mon alarme se déclenche régulièrement et ils sont à moins d'un mille en général. Grâce à la "super lune" au moins je peux faire ma chasse aux cargos assez facilement. J'envie les marins d'avant dont la seule peur était de tomber en arrivant "au bord de la planète"!